dimanche 12 juillet 2009

Témoignage de Ruphin (Congo)

Lors de mon intervention au Colloque à Marseille j'ai essayé d'évoquer la question de la "Mission" que nous devrons mener dans nos milieux de vie sociale éclairée par la Foi. Grâce à notre groupe dont Père Daniel Nourissat est l'accompagnateur nous ne cessons pas d'œuvrer pour une vie communautaire dans la promotion de la dignité humaine.

"Mosaïques" a été pour Moi un axe de renforcement de cette Mission pour avoir déploré le durcissement des frontières de l'Union Européenne. Ce fût un grand soulagement pour Moi de m'être rendu en France grâce aux interventions de Père Daniel et de l'ICM, facilitant ainsi nos visas à Moi, à Ilham et à Gaël.

Je suis animé d'un grand punch à vouloir mettre en lumière quelque chose de si grand dans ce sens et d'ailleurs je n'ai pas hésité à inviter l'assemblée lors de mon intervention à réduire la fréquence de Mosaïques à un (1) an au lieu de 5 ans.

Je sais que c'est difficile de réaliser cela mais avec un peu plus d'effort on peut y arriver.
Je suis reparti au Maroc parce que je me dis être un Missionnaire pour ces Congolais qui nombreux à Casablanca croient que leur avenir est résolument tracé en Europe. Je me veux être un Ambassadeur dans ce sens et c'est la raison qui m'a conduit à me rendre au Congo pour essayer de voir dans quelle mesure je puis réaliser un projet communautaire dans le domaine de l'Optique dans lequel j'ai subi ma formation.

Malheur est de constater que si je ne m'y mets pas mes parents continueront d'être maltraités dans les soins oculaires de qualité jusque là médiocres. J'ai mené des actions allant de l'enregistrement de ma structure d'Optique au Congo ainsi de la reconnaissance de mes compétences. L'autorisation d'implantation m'ayant été accordée je me prépare à aller monter ma boîte d'ici le début de l'année prochaine au Congo en vue de procurer des soins oculaires de qualité à mes Compatriotes dans l'espoir que cela leur évitera de dépenser des fortunes à venir se faire soigner au Maroc ou à l'étranger, encore qu'il faut en avoir les moyens.

Ma profession aura son sens que si je participe au Salon International d'Optique et de Lunetterie (Silmo: www.silmo.fr en octobre de chaque année) de Paris ou à MIDO à Milan afin de nouer de bons rapports avec les fournisseurs . C'est pourquoi en parlant à Père Aveline et à toi Rémi, je n'ai pas hésité de vous dire que l'Afrique continue de sombrer dans son sous développement faute de formations et d'informations qui ne sont disponibles qu'en Europe. Merci de me soutenir en m'aidant à revenir en France cette année.

Ce sera un souhait profond de partager encore mes expériences avec vous à Marseille ou ailleurs qu'en Europe.

Dans nos recherches de financement pour nos projets, nous jeunes africains ou du tiers monde avons besoin de vous, Européens afin de nous épauler dans ce sens.


Mélandhe Ruphin MAYEKOU MASSENGO.

vendredi 6 février 2009

Gaza et Mosaïques tient ses promesses

Alors que le moment est aux vœux de bonheur, cette année s’ouvre sur une nouvelle tragédie au Proche-Orient, de nouveaux affrontements impliquant de nombreuses victimes, dont la plupart sont des civils, en particulier des enfants.

Cependant, si chacun des camps semble se radicaliser, si des manifestations veulent exporter le conflit au-delà du théâtre d'affrontement militaire, il existe des initiatives et des voix porteuses d'espoir ; des témoignages qui transcendent les nations, les religions et qui mettent en pièce les amalgames trop faciles et les prises de positions extrémistes. Le témoignage d'Amir Farjoun, par exemple.

Invité par Ludovic à faire part de ses sentiments sur la guerre menée à Gaza, Amir, jeune Israélien de 22 ans a rédigé le témoignage que nous vous proposons ici, sans aucune correction ni réduction. Amir, comme Ludovic, était venu participer à la rencontre Mosaïques de Marseille en octobre 2008. Son témoignage qui allait à contre-courant de tout ce qu’un Européen peut entendre, lire ou voir habituellement avait été l’un des faits marquants de cette rencontre. De même les moments de partage entre Amir et Maher, palestinien, habitant de Bethléem, ont donné une dimension toute particulière à Mosaïques ; chacun étant voisin, mais ne pouvant se rencontrer en Palestine.

Ce témoignage a provoqué un débat Internet nourri par les réponses des autres participants de Mosaïques mais aussi de nombreuses autres personnes touchées, bouleversées par son témoignage. Certaines ont souhaité que leurs réponses soient collectées et diffusées afin que d'autres puissent en profiter et se forger leur propre opinion. C'est ce que nous vous proposons ici: lisez, réfléchissez, et réagissez


Amir, le 06/01/09:


« Bonjours à tout le monde...

Depuis que cette guerre a commencé, je pense beaucoup à vous, et à notre petite expérience commune... c'est vrai, qu’on est très très loin de où on doit être...

J'écris principalement à cause de la honte, pas de mon pays - ça , comme vous savez déjà, c'était toujours - mais de mon peuple. J'ai honte de mes amis, des gens qui m'importent et que j'aime beaucoup.

Cette guerre, ils sont tous d'accord. Bon, comme toujours, pas tous: Nous , les fous, on est toujours bien contre les crime sauvages, mais nous somme une minorité... On ne nous prend plus pour des fous, mais pour des traîtres. Chaque manifestation qu'on fait, il y a une plus grande partie à côté de nous, avec des drapeaux de l'état, criant "le peuple avec l'armée ". Je vous assure, que autrefois ils comprenaient le gout fasco ( ?) de ces cries là, mais maintenant, c'est la folie de guerre. Ils sont contents de voir les numéros augmenter... 100..200..300...400.. on est déjà passé 600 morts. On y arrivera.

Le pire, c'est la normalité. Dans une semaine, ce sera l'habitude de nouveau. comme si rien se passait. les morts sont morts, les vivants -vivants, avec des idées, même. Des idées humaines, intelligentes, généreuses, gentilles, gracieuses. Il fait beau. même maintenant. Ils parleront de paix, des territoires, de justice, des bons, d'aide humanitaire... c'est quand même important, l'aide humanitaire...

Voila donc mes nouvelles, mes amis: tout va bien. je suis a l'université, j'apprends des chose intéressants, j'ai un bel appartement, il fait beau, maintenant c'est bientôt les examens, il y a une guerre, et j'ai une nouvelle copine, qui s'appelle Talia.

Les gens ici ont peur. ils ont honte de la peur, et trop de fierté, mais ils ont peur. Je vous demande vraiment d’essayer de comprendre, et de ne pas réagir comme eux, dans une manière instinctive. c'est la peur, je pense, qui nous réduit aux instincts des bêtes, aux règles du clan. Soyons donc fous, soyons les traîtres du clan, soyons humains d'une manière qui est peut-être quasiment inhumaine.

J'espère que c'est bientôt fini. je vous demande pardon de la part des gens qui ne peuvent pas encore le demander.

et aussi,

Bonne nouvelle année. »


Réponses des autres Mosaïx :

Sémiramis, jeune française d’origine assyro-chaldéenne, commente « t'es pas fou, ce sont les autres les fous! ».

Ilham, jeune marocaine engagée dans l’association Al intilika, déclare se trouver « toujours fière de dire que j’ai un ami juif et je suis fière d'être une amie à lui », reconnaissant qu’Amir a « un cœur blanc et plein d'amour. » Elle relancera le débat en déclarant que « chaque jour on voit les enfants les bébés les femmes les jeunes.....morts,(…),on voit ça sur les TV, et on change de chaîne pour chercher un film ou la musique ou on va sur internet pour parler avec les amis et passer le temps. On mange, on peut dormir, aller a l'école, sortir....et nos frères à Ghaza, en Palestine, est ce que ils n’ont pas le droits de faire »

Le message de Marianne, étudiante française :

« Amir, ton témoignage est plus que bouleversant et je voulais que tu saches que je te trouve très courageux de t'exprimer à cœur ouvert avec nous car ta situation ne doit pas être facile. Ici, je vis au rythme des informations sur Gaza et des flashs d'Al Jazeera, toutes les images sont insoutenables mais le pire c'est que le monde entier semble démuni face à ce carnage. Tous sommes consternés mais aucun levier d'action n'apparaît efficace. Par ailleurs, cette guerre outre la barbarie qui tue des milliers de civils ne servira à rien, au contraire tous ces enfants meurtris seront prêts à tout pour se venger et le cycle de la haine et de la violence ne se refermera jamais.

Amir, ton opinion et ton combat sont primordiaux, car même si tu es une voix minoritaire tu restes une voix représentative par le simple fait d'exister. Aujourd'hui grâce à mosaïques et les merveilleuses rencontres que cela a permis nous savons qu'en Israël des jeunes comme toi se battent dans leur pays pour la paix et n'hésitent pas à payer de leur personne pour imposer leurs idées. Je te remercie pour cela.

Par ailleurs, personnellement, j'ai été très touchée par nos conversations et cela m'a donné envie d'en savoir encore plus sur ton pays: j'ai lu des livres, vu beaucoup de films car je ne veux pas dès que j'entends le mot Israël être horrifiée. Non, Israël ne se réduit pas à Tsahal et surtout la guerre d'aujourd'hui ne justifie en aucun cas tous les propos antisémites qui se propagent et les actes de violences envers les populations juives. Ces actes sont tous aussi révoltants à mes yeux et ce climat me fait extrêmement peur car il fait d'un conflit politique un conflit religieux.

J'espère de tout cœur qu'un jour tous les jeunes méditerranéens pourront voyager et s'exprimer librement comme nous avons pu le faire car le seul remède à cette haine et la connaissance de l'autre, celle ci ne doit pas être théorique mais véritable. Les liens que nous avons tissés ensemble pendant ces quelques jours resteront à jamais dans ma mémoire et on fait de nous des missionnaires de la paix ».

Massinissa insistera lui aussi « sur le fait de ne pas transformer un conflit politique en un conflit religieux. Je pense que vous avez tous ou presque reçu des demandes pour rejoindre des groupes de soutiens à Gaza sur Facebook, mais certains dérapent dangereusement allant même jusqu'à dire qu'ils souhaitent le retour d'Hitler, c'est très grave ! Nous somme tous contre cette guerre et non pas anti-juif ou anti-israélien. Je suis musulman et le massage d'Amir me conforte dans mon jugement. Encore une fois, merci Amir pour ton analyse lucide... ».

Le message de Feten, jeune tunisienne travaillant à Rome, à la COPEAM, est plein d’enseignements :

Chers amis,

je viens de rentrer à Rome après deux semaines de travail avec les immigrés “clandestins”-même si je déteste cet adjectif- à Lampedusa. Mon expérience a été humainement très enrichissante, je vous en parlerai aussitôt que j’en aurai le temps.

Malheureusement au cours de ma mission, j’ai entendu les informations venant de Gaza, que dire? Je souffre d’autant plus pour mes sœurs et frères palestiniens que je me sens impuissante face à ce carnage auquel l’ONU n’a pas pu mettre fin à temps!

Ce monde est injuste et plus j’y pense, plus je me sens mal.

Je pense toutefois que certes, je n’ai pas le pouvoir de changer les choses tout de suite et d’arrêter les massacres mais que par la volonté et la force de l’unité, nous pouvons tous ensemble faire quelque chose si ce n’est pour l’immédiat ce sera au moins pour nos générations futures, pour qu’elles dialoguent entre elles, qu’elles acceptent leurs différences et en fassent un point de force et un levier de développement pour notre humanité.

Je ne peux vous décrire mon émotion quand j’ai lu le message d’Amir. Je lui dis moi aussi BRAVO, je suis fière de toi Amir, je suis fière de te connaître. Résiste, ta voix est minoritaire mais forte par sa différence et son humanité.

Ignore ceux qui te disent que tu es un traître parce que les traîtres sont eux, traîtres d’une humanité qui a soif de paix et d’amour, traîtres d’une nature humaine faite pour aimer le prochain quelle que soit sa religion ou sa provenance, traîtres d’un pays qu’ils croient défendre de cette manière là barbare mais au contraire, ils en ternissent l’image et donnent de l’eau au moulin des extrémistes.

Les propos d’Amir m’ont fait réfléchir à plusieurs thèmes:

L’identité, le sens d’appartenance à un pays, à une nation. Faut-il se taire et souvenir le gouvernement de son pays quoi qu’il fasse notamment en période de crise ou de guerre juste par un “pseudo-patriotisme”? et NON.

C’est ce que plusieurs personnes devraient comprendre. Il y a des valeurs humaines et des principes qui vont tau delà d’une conception “consensuelle”, à mon sens erronée du patriotisme.

La démocratie, que signifie-t-elle? Suffit-il pour un pays d’organiser des élections transparentes et de laisser oeuvrer librement tous les partis pour qu’on dise qu’il s’agit d’un pays démocratique?

Qu’en est-il de l’Etat de droit? Quel sens a-t-il sans les droits de l’Homme aussi bien israélien que palestinien dans le cas échéant?!

L’injustice, la volonté divine, l’inefficacité de l’action de l’ONU et d’autres thèmes encore………..

Amir, je t’admire, courage! Prions pour que la paix se rétablisse et surtout agissons, écrivons!

Mélandhe Ruphin, congolais vivant à Casablanca, voit en ces échanges de mails une invitation à « mes frères et sœurs des pays concernés par ce conflit, de faire confiance à notre Réseau ainsi mis en place; de porter l'armure du dialogue pour que toutes les fois que la haine, la révolte et la revanche surgiront en nous, nous prenons le courage de nous écrire un e-mail; peut être que cela contribuera au changement des mentalités car "c'est là que ça se passe!". »

Ludovic, trouvera « frustrant de voir la nullité de nombreux débats en France. Ceux-ci portent plus sur la couverture horrible d'un journal que sur la situation réelle. Une fois de plus tout ceci permet de faire des ventes en choquant l'opinion publique. C'est à chacun de chercher de véritables discussions et explications sur le conflit. Pourtant, ce qui se passe actuellement aura de grandes conséquences sur le monde dans les prochains jours, les prochaines semaines. Reste qu'il est difficile de pleinement réaliser la situation. La comprendre peut-être, mais la majorité des personnes ne peut probablement pas ressentir véritablement la peine de ceux qui vivent cela. Tout simplement parce que nous ne la vivons pas nous-même. La seule chose à faire est de penser à nos amis israélien et palestiniens. Si pour l'instant nous nous sentons impuissants, c'est avec des initiatives comme Mosaïques que nous parviendrons par la suite à agir concrètement. Notre amitié est encore jeune, mais avec le temps nous pourrons déjà diffuser nos témoignages, afin de sensibiliser l'opinion public, malheureusement souvent abruti par les imbécillités proférées par nos médias. Tous ces derniers échanges de mails ne sont pas que de belles paroles, ils montrent que hommes et femmes de tous pays, toute culture, toute religion, peuvent s'unir et s'exprimer devant une situation si difficilement soutenable. »

Le mot du rassemblement reviendra peut-être à Rémi, l’un des porteurs de ce mouvement Mosaïques : « Tu me permettras enfin de profiter de ce message commun pour dire à quel point le travail de rencontre et de débat que nous avons organisé à Marseille, sous le nom de Mosaïques, est important et qu'il faut le poursuivre à tout prix; tout simplement parce qu'il permet à une jeune marocaine musulmane d'affirmer son amitié pour un jeune israélien devant ses amis, tout simplement parce qu'il permet à des jeunes européens comme Ludovic, comme Sémiramis ou comme moi, que la société israélienne est plurielle et qu'il ne faut pas tomber dans le piège des amalgames, tout simplement parce que toi-même, Amir, tu penses à cette expérience alors que ton pays est en guerre, tout simplement parce que Mosaïques représente une goutte d'espoir, parmi d'autres, en cette période bien sombre. »


Ludovic Robert & Rémi Caucanas, le 13 janvier 2009.

mardi 6 janvier 2009

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Sémiramis : un retour aux sources

Au mois de juillet, Sémiramis Ide a participé, avec une délégation de Pax Christi, aux "mini-JMJ" qui ont rassemblé 2000 jeunes chrétiens irakiens au Kurdistan. Le mois dernier, elle a participé au colloque Mosaïques.

« Ce voyage a été le choc de ma vie. » Trois mois après son retour d’Irak, Sémiramis, vingt ans tout juste, a encore du mal à retenir son émotion quand elle évoque ce voyage. Une expérience qui l’a transformée.

Des valeurs familiales

Sémiramis se présente comme « Assyro-chaldéenne ». Ses parents, originaires du sud-est de la Turquie, se sont réfugiés en France au début des années 80 : « Là-bas, ils devaient se cacher pour prier, ne pouvaient pas parler l’araméen en public. Ma mère n’est jamais allée à l’école car les chrétiennes risquaient de se faire enlever par les Kurdes. Mon grand-père a été assassiné, laissant ma grand-mère seule avec neuf enfants ». A Gonesse, dans le Val d’Oise, la famille Ide s’intègre à la communauté assyro-chaldéenne : « Nos parents nous ont transmis des valeurs orientales. Nous devons nous marier entre nous, car nous avons une langue et une culture à conserver. A l’école, à la fac, nous rencontrons des personnes différentes et, à cause de cette pression, il faut faire des choix. C’est difficile ».

Crise d’identité

« Pour les jeunes, observe Sémiramis, la langue araméenne, parlée au sein de la famille et de la communauté, renvoie à un lien avec un ailleurs un peu flou, l’Irak, la Turquie, la Syrie... Nous sommes un peuple apatride. Les jeunes nés en France ne se sentent pas Français. Ils sont entre deux mondes, ne sachant pas où se situer. » Ce déchirement entre deux cultures, Sémiramis l’a éprouvé, mais elle ne l’a vraiment analysé que lors de son séjour en Irak.

C’est en 2004 qu’elle a pris conscience du lien avec son pays d’origine : « Lorsque quatre églises ont été détruites à Bagdad, mon père est parti là-bas pour aider notre peuple. Quand un prêtre a été assassiné avec ses trois diacres à Mossoul, j’ai été bouleversée ». Avec des amis, elle crée un site pour sensibiliser sa communauté et les Français : « Chez nous, le sujet était tabou, on n’osait pas parler de ces persécutions ».

JMJ au Kurdistan

L’an dernier, Sémiramis entend parler de l’opération de Pax Christi, Pâques avec les chrétiens d’Irak. C’est avec ce mouvement qu’elle est partie au Kurdistan, dans le nord de l’Irak, pour des JMJ organisées en hâte par Mgr Rabban, évêque d’Erbil et d’Amadijah, car deux mois avant Sydney, le visa pour l’Australie avait été refusé à 200 jeunes Irakiens. « Nous étions trois Français, avec un accompagnateur de Pax Christi, porteurs de 1000 messages de soutien ».

Cette expérience l’a retournée : « J’avais une vision imaginaire de l’Irak. Là, j’ai découvert des villes où 98% des habitants sont syriaques catholiques, où tout le monde parle araméen, dans les rues, les commerces. Parler l’araméen, la langue de Jésus, instaure forcément un lien avec les autres et avec Dieu : c’est avant tout une relation d’amour et de fraternité ».

Le rêve des jeunes

Le choc de l’arrivée, puis la rencontre avec les Irakiens, « simple, profonde : ils ont cet amour de l’autre, de l’ailleurs, qui est vraiment partie intégrante de leur culture. Ces jeunes ont fui Bagdad ou Mossoul pour retourner dans les villages de leurs grands-parents. Ils ne parlent pas le kurde, ne trouvent pas de travail et ont peu de chance de rentrer chez eux, même si certains s’accrochent encore à cet espoir. Les toits sont couverts de paraboles. Ils sont là, mais leur esprit est ailleurs. Ils rêvent d’un Occident idéalisé où tout est libre, où hommes et femmes peuvent se côtoyer. Ils ne savent pas que cette liberté a un prix ».

Une identité retrouvée

Sémiramis confie que ce séjour a été déterminant : « Pour la première fois de ma vie, je me suis sentie à ma place. Je me suis retrouvée ! Le plus terrible a été de repartir. Je me sentais déchirée, comme si on m’avait arrachée de ma maison ». Si elle a eu du mal à se remettre de ce voyage, Sémiramis ajoute qu’aujourd’hui, elle est plus sereine. Elle sait d’où elle vient : « Je sais que je suis Française avec fierté, et Assyro-chaldéenne avec fierté ». Elle a décidé d’abandonner ses études d’arts plastiques pour s’inscrire en histoire et en sciences politiques, devenir journaliste « et témoigner pour aider mon peuple ».

Une étape vers la paix

Avec Pax Christi, Sémiramis essaie de jeter les bases d’actions de solidarité : jumelages entre paroisses irakiennes et françaises, formation au scoutisme, à la catéchèse, « des petits projets permettant d’offrir un avenir aux chrétiens et d’arrêter l’hémorragie ».

Le colloque Mosaïques lui a donné du courage : « Je me suis reconnue dans les autres témoignages, avec ce thème de "l’autre" : pour se connaître soi-même, on est obligé de rencontrer l’autre. Ouvrir son cœur, parler avec l’autre, faire un pas vers lui, c’est déjà une étape vers la paix. Le travail de toutes ces associations me donne de l’espoir pour l’avenir de la Méditerranée, du Moyen-Orient, de l’Europe et du monde ! ».

Dominique Paquier-Galliard
Interview parue dans l'église aujourd'hui à Marseille, le 01 novembre 2008

mardi 23 décembre 2008

L’association Mahaba

Travailler bénévolement dans l’humanitaire demande beaucoup de temps et d’investissement. Il fallut 5 ans à Ludovic Robert pour parvenir à la concrétisation de son désir d’aider les chiffonniers du Caire sans devoir systématiquement se rendre sur place. Depuis 2003, celui-ci se rend en Égypte, dans le quartier d’Ezbet-el-Nakhl, afin de trouver des solutions aux problèmes des chiffonniers. Il faut dire que depuis cette date, ceux-ci sont soumis à une rude concurrence quant à la gestion des déchets de la capitale. Vivant du tri et du recyclage des ordures, les chiffonniers ont vu l’arrivée de compagnies de nettoyage et de collecte des poubelles de la ville. Profitant tout de même de l’expansion démographique de la ville, ceux-ci parviennent à continuer à vivre de cette matière dernière, qui, pour eux, est une matière première. Leur travail permet en effet de recycler entre 80 et 90 % de ce qu’ils collectent.

Un jour d’été 2007 au Caire, Ludovic désire aider à communiquer sur la situation des chiffonniers. Le Docteur Adel, las de ne parvenir à faire connaître leurs problèmes, depuis le départ de sœur Emmanuelle, veut lui confier cette tâche. Aussi, en ce jour, ils décident tous deux d’attendre l’aide d’une tierce personne, afin de pouvoir constituer un premier noyau. Dans l’après-midi, alors que Ludovic se repose au Centre Salam, dans le quartier d’Ezbet-el-Nakhl, un homme vient frapper à sa porte. « Je ne sais pas ce que je fais ici, mais je devais venir. Je m’appelle Francis Melkonian ». « Francis, je t’attendais ». C’est sur ces mots que l’amitié et le travail de Ludovic et de Francis commencent. Peu de jours après, l’association Mahaba (signifiant « amour » en arabe) est née. Autant donner à cette nouvelle association un nom qui plairait à sœur Emmanuelle.

Francis Melkonian dirige une entreprise de recyclage de palettes à Vitrolles. Originaire de Marseille, il décide un jour, sur « un coup de tête » de partir en Égypte, voir où travaillait sœur Emmanuelle. C’est ainsi qu’il arriva au Centre Salam, géré par la congrégation des Filles de Marie, dirigée par la sœur Maria.

Aujourd’hui, le centre Salam dispose d’un centre d’accueil pour enfants handicapés, de salles de cours et d’un hôpital. En effet, la rénovation du pensionnat pour enfants handicapés et la construction d’un étage de l’hôpital fut en partie réalisée par l’association Présence, aujourd’hui dissoute, avec laquelle Ludovic travaillait.

Quelques jours après leur rencontre, ces deux nouveaux amis rentrent chacun chez eux, l’un à Guérande, en Loire-Atlantique, l’autre à Marseille. Deux mois plus tard, Ludovic rencontre sœur Emmanuelle, et une amitié s’installe entre eux, ce qui renforcera l’action des membres de l’association Mahaba. Cette association fait aujourd’hui le lien avec le Centre Salam, ce qui permet alors de mener des actions en France pour aider en Égypte, sur des projets véritablement bénéfiques pour les chiffonniers.

Ce même été 2007, Samuel Danilo, un jeune photographe, originaire de Loire-Atlantique, est présent à Ezbet-el-Nakhl afin de réaliser un ouvrage de photographies avec Ludovic. Ce livre, Regards d’Égypte, paru à compte d’auteur en novembre 2008, permet aujourd’hui de récolter des fonds pour l’association Mahaba.

Depuis leur intervention lors du colloque international de Marseille, Mosaïques, en octobre 2008, organisé par l’ICM, les membres de l’association Mahaba interviennent dans le cadre de conférences et présentent le travail des chiffonniers dans les écoles de leurs régions.

De plus en plus de personnes souhaitent les aider dans cette démarche. Les projets sont nombreux : construction d’une école, achat d’un terrain et de matériel pour permettre aux chiffonniers d’avoir de meilleures conditions de travail, ou encore intervention ponctuelle auprès des plus jeunes. Il y a beaucoup de choses à faire dans ce quartier de 300 000 habitants, délaissé par les autorités égyptiennes, où vivent près de 10 000 chiffonniers. Mais il suffit d’y croire. « Pour financer un étage de l’hôpital, nous avons fait confiance à Dieu, et un généreux donateur est venu nous voir, afin de soutenir ce projet dans sa quasi-totalité ». C’est ce que retient Ludovic de ce projet d’hôpital. Pourquoi cela ne se produirait-il pas de nouveau ?


Contacts de l’association Mahaba :

Association Mahaba

Lotissement St Michel

13 180 Gignac-la-Nerthe


ou, Association Mahaba

Geneviève Robert

4, allée de l’étier

44350 Guérande

mail : asso.mahaba@yahoo.fr

site : www.asso-mahaba.com

site du livre : www.regardsdegypte.com